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Tarot 1

Une seule carte, une seule, tous les jours. Une carte pour à la fois connaître la tonalité de la journée et se souvenir des possibles que contient le monde. 

Le tarot est ancien. Même le tarot de Marseille, dans sa version actuelle, remonte au moins au XIVe siècle. Ses subtiles variations d’un jeu à l’autre ouvrent la voie à d’inépuisables vertiges herméneutiques. La beauté inusable de ces cartes tient à ce que les symboles qu’elles comportent semblent échapper désormais à toute intentionnalité, à toute individualité, à toute histoire. Chaque forme est burinée par le temps, ainsi chaque version du jeu – que ce soit celle de Camoin et Jodorowsky, ou celle de Hadar – a sa légitimité.  

L’histoire du tarot croise celle de l’alchimie, et les connaissances qu’ils délivrent montrent, elles aussi, comment l’infiniment petit – ces quelques cartes, là, sur la table – et l’infiniment grand – ces forces organisant nos destins – se répondent. Le labyrinthe de papier posé sur la table reproduit en miroir le grand labyrinthe du monde. Il fut peut-être, pour les gens de la Renaissance, un moyen mnémotechnique de se rappeler les fondements du néoplatonisme, philosophie présumant une solution de continuité entre les Idées et la matière de notre condition. Pour les néoplatonistes comme pour les alchimistes, si nous sommes chus dans ce monde imparfait, nous conservons pourtant un lien avec notre perfection première. C’est ce lien que l’on entrevoit dans les signes que nous font les étoiles, le hasard, les cartes.

Tirer une carte, c’est à la fois anticiper son propre destin et se souvenir des forces qui l’organisent. Ce n’est qu’à comprendre cette organisation, le geste et la geste du Mat ou du Bateleur, l’ontologie proposée par Le soleil ou La lune, que la signification d’un tirage pourra s’éclairer. À cette complexité et cette surdétermination tient aussi sa force poétique : le sens des cartes dépend de leur relation entre elles et de ce qui, dans chacune, a un résonnance pour celui qui l’interprète. 

Un geste répété est comme un dialogue avec soi ; mille fois remis sur le métier, ce geste devient un rituel. Il pointe à la fois vers les subtiles modifications du monde et celles qui s’opèrent en soi.

M. C.